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Quatrième de couverture Tanzanie
Informations pratiques, aller à Zanzibar...
Zanzibar City : hébergement, restaurants
Découvertes autour de Zanzibar City,
plages, Pemba
Economie, Politique, Culture
Informations pratiques
zanzibar 1
Le lecteur de mon guide de la Tanzanie trouvera ici des informations pratiques actualisées – liens
sur le web, faits d'actualité lorsqu'ils sont déterminants pour l'organisation d'un voyage, nouvelles
destinations, etc.
Les numéros de pages insérés dans le texte renvoient au guide Tanzanie, Tanganyika, Zanzibar,
Ed. L'Harmattan, 4ème édition
Mises au point :
– Zanzibar désigne trois entités : un archipel, son île principale et sa capitale. Cependant le
véritable nom de l'île principale est Unguja, et ainsi l'appelons-nous.
– La ville de Zanzibar se trouve sur la côte ouest d'Unguja.
– La seconde île de l'archipel est Pemba.
Change. Ce site vous donnera les taux de change du shilling tanzanien (Tsh). En octobre 2013,
pour un euro vous obteniez 2,183.90/ (/ est le symbole du shilling tanzanien) ou 1,606.51/ pour un
USD . Les prix étant fréquemment exprimés en dollar américain, les Zanzibari ont tôt fait
d’arrondir les chiffres à leur avantage. Particulièrement dans la corporation des chauffeurs de taxi.
Les mêmes pratiques sont heureusement inhabituelles sur le continent. De même, à Zanzibar,
lorsque les cartes de crédit sont acceptées dans quelques distributeurs en ville, mais les
transactions sont soumises à d'exorbitantes commissions, sur des taux de change très défavorables.
Je préfère les coupures récentes de 50$ et 100$ dollars américains.
Argent, toujours... Pendant que l’on parle argent, quelques réflexions qui me viennent en 2012 :
– les étrangers passent si peu de temps sur l’île qu’ils n’ont pas le temps de voir combien la vie y
est chère, du moins pour les touristes ;
– les distributeurs d’argent (carte de crédit) fonctionnent irrégulièrement ;
– en revanche la Poste de Shangani, en plein Stone Town, avec ses communications
internationales et l’agence de Western Union, est le point de raliement des touristes fauchés qui
lancent des SOS à leur famille – les transferts sont aisés et rapides mais il vaut mieux ne pas être
en perdition le week end...
Téléphone. Pour les appels nationaux, c'est à dire lorsque vous appelez du continent un
correspondant sur Zanzibar, composez le préfixe 024 (Zanzibar), mais si vous appelez de
l'étranger, composez l'indicatif de la Tanzanie (255), puis 24 et enfin le numéro local, à sept
chiffres pour les téléphones fixes – si vous n'avez que six chiffres ajoutez un 2 devant. Les
numérotations en (811) etc. correspondent à des téléphones mobiles – de l'étranger, vous ajoutez
seulement l'indicatif du pays (255).
Beaucoup de cabines téléphoniques et ville, mais plus aucune ne fonctionne. Allez dans les postes
locales, en particulier le bureau de Shangani.
Sécurité. L'archipel de Zanzibar est régulièrement agité par les élections (présidentielles et
législatives) qui reviennent tous les cinq ans – les dernières en octobre 2010.
On se méfie, à juste titre, de l'impact du tourisme sur une société traditionnelle à forte croissance
démographique.
A cet égard, deux ou trois réflexions. S'il existe des hôtels clubs sur la côte, de plus en plus
d'auberges, connaissant un succès grandissant, invitent l'étranger à une sorte de tourisme culturel
(rencontre des villageois, etc.), tout cela dans le respect des coutumes zanzibari. Au reste, la
culture swahili plonge ses racines profondément et elle est solide. En tout cas elle est ouverte à ce
qu’il est convenu d’appeler le progrès.
Le tourisme est une ressource indispensable pour l'archipel, et en particulier pour Unguja, l'île
principale. S'il profite à des sociétés souvent étrangères, le tourisme fait aussi vivre des centaines
de Zanzibari et leurs familles.
Je suis retourné plusieurs fois à Unguja, depuis les années 2000. Je n'ai à aucun moment éprouvé
un sentiment d'insécurité, ni dans la capitale (Zanzibar Town), ni sur la côte. Les partis politiques
responsables, des deux camps, semblent avoir compris l'enjeu économique de la paix intérieure.
En revanche la situation à Pemba est plus instable.
Pour se protéger de la délinquance pure, maintenant, on observera des consignes de sécurité
valables dans la plupart des pays de la planètes – en particulier ne pas faire étalage de l'argent que
l'on a sur soi, éviter les plages isolées, ne pas se retrouver seul hors de Stone Town (la vieille ville
de Zanzibar Town), ne pas traverser Stone Town la nuit tombée sans être accompagné...
Evitez les attroupements, ne cherchez pas à jouer les redresseurs de torts ou les grands reporters,
car l'une ou l'autre de ces attitudes ne fera qu'envenimer les choses, au détriment des manifestants,
et vous risquez vous-même de ramasser inutilement des coups, sans compter des ennuis de toutes
sortes – en revanche je suis prêt à vous ouvrir une tribune pour dénoncer les abus dont vous
pourriez être le témoin. Sachez toutefois que la presse continentale, celle de Dar es Salaam ou de
Nairobi, n'a pas l'habitude de taire les échauffourées, et à plus forte raison les meurtres politiques
se produisant sur les îles.
Il est donc plus que jamais recommandé de consulter les conseils aux voyageurs, régulièrement
actualisés par les services de l'Ambassade de France à Dar es Salaam. Evitez en particulier
Pemba, six mois avant et six mois après les élections.
Urgences : tél. 112 (ambulance), tél. 111 (feu), tél. 999 (police)
Un site généraliste, pas vraiment à jour mais intéressant : hébergement en ville, sur les plages et à
Pemba, mais aussi description des sites touristiques.
Aller à Zanzibar
Voyagistes : Asda ; autre 1 ; chic et cher (attention, en matière de plongée, la côte d’Unguja ne
vaut pas la réputation qu’on lui fait : c’est à Pemba qu’il faut aller pour avoir les meilleurs fonds) ;
Nlles Frontières (extension Zanzibar), Club Faune... v
Par bateau (pp. 319 à 321), par l'avion ou par mer. Chacune des quatre compagnies maritimes
assure de une à quatre vacations par jour entre Dar es Salaam et Zanzibar Town.
En juillet 2002 je constate que les mesures de sécurité minima ne sont pas observées sur le
catamaran d'Azam. Je doute qu'il en aille différemment sur les hydroglisseurs des autres
compagnies.
En septembre 2011, le Zanzibar, ferry de la Cie Azam Marine, me paraît être sûr – aller simple
Dar es Salaam-Zanzibar : 40 USD en 1ère classe et 35 en 2ème classe.
Septembre 2011, toujours, naufrage d’une espèce de caboteur poussif, opérant essentiellement
entre Unguja et Pemba.
Consultez aussi Aziza.
Juillet 2012, deuxième naufrage, et cette fois-ci, c’est un ferry.
Septembre 2012, j’emprunte à Dar es Salaam le ferry d’une compagnie liée à Azam (Zanzibar
Ferries) et mes craintes, régulièrement exprimées depuis les annés 2000 sont toujours d’actualité.
Certes, les gilets de sauvetage sont bien sous les sièges, et il ne semble pas que les passagers soient
en plus grand nombre que les quelque 200 sièges du ferry. Cependant les ponts sont encombrés de
volumineux colis et de bidons pesants. On peut imaginer le charivari en cas de naufrage.
Plus inquiétant : toujours la même réaction de l'équipage lorsqu'on lui en fait la remarque : il se
moque de vous. Deux naufrages en moins d'un an sur l'archipel ne devraient pas autoriser les
marins zanzibari à plaisanter.
L'information sur des naufrages que l’on prend à la légère et qui ternissent l’image de l’archipel :
Site 1 ; Site 2.
Au port, que ce soit à Dar es Salaam ou à Zanzibar, les porteurs n'en ont jamais assez, quoique
vous leur donniez. Ils refusent en général d’annoncer leurs tarifs avant l’embarquement. C'est
TRES lassant de se voir quasiment traiter de voleur par ces gens-là, en particulier les numéros 181
et 200. A les entendre, le seul qui profite de l'opération c'est le port, en raison des droits qu'il exige
des porteurs patentés. Vous découvrirez les "tarifs" lorsqu'il sera temps de payer !
Les tarifs varient selon les compagnies. Azam Marine est celle qui a la moins mauvaise réputation.
Horaires, etc.
J'avais retrouvé dans ma famille une carte postale d'Aden et une autre de Zanzibar. Les vapeurs
parcouraient la ligne de Port Saïd à Tamatave, et la “Coloniale” éditait alors un guide pratique
de Madagascar – depuis le temps les droits sont tombés dans le domaine public et vous pouvez
vous servir...
Par air. Consultez le site des compagnies d’aviation – Zanair, Coastal. Les compagnies locales
d'aviation offrent suffisamment d'opportunités ... Toutefois, si vous devez attraper un vol à Dar es
Salaam ne vous laissez pas piéger à Zanzibar. Vérifiez tout de même que l’une ou l’autre de ces
compagnies n’est pas sur une liste noire.
D’Europe : Vols sur Zanzibar, par Ethiopian, Oman Air et charters italiens.
*
* *
Le vieux est arrivé, les pieds humides – il y avait un tuyau d'eau à la sortie du salon des deuxième
classe et l'on pouvait s'arroser les pieds et les mains. On s'est regardé, on s'est souri. Le tapis de
prière est une natte roulée et posée sur un compresseur de la plage arrière. Les uns après les
autres, les hommes déroulent la natte. Les bateaux font la course, mais le horse flying, le plus
déglingué, pourri, rouillé, et désormais le moins cher, où la sécurité est virtuelle, comme les gilets
de sauvetage, le cheval volant coulera corps et bien, il enverra ses passagers au paradis, mais il
n'entend pas se laisser dépasser.
Sur le mainland, nous avons dépassé depuis longtemps la cimenterie sud-africaine, au sud de
Bagamoyo.
Quand il a fini la prière, quand il a roulé et rangé la natte, parce qu'il a oublié ses chaussures il
est revenu sur ses pas. Il a hésité un instant et il a poussé jusqu'à moi. Il m'a souhaité la
bienvenue, il a dressé un doigt vers le ciel, il a paru me dire quelque chose sur là-haut, vers quoi
il pointait le doigt. Il a dû comprendre que j'y croyais, moi aussi – j'ai une tête à croire, et l'idée
ne me rebute pas, et puis j'aime les manifestations de foi quand elles sont simples. Je ne sais plus
bien si je crois, quand on ne sait plus, on doute que l'on a jamais cru. Mais ce gars a une bonne
tête, et c'est tout ce dont j'ai besoin, rien que cela, une bonne tête et un sourire, un grand soleil
dehors. C'est idéal : aller de soleil en soleil, ainsi on découvre que le soleil n'est jamais le même.
Enfin, je veux dire qu'il n'est pas le même, comme le ciel change, comme change le fleuve et
comme l'air aussi, que là on est sur les vagues (l'écume) de Sindbad, dans son domaine, et qu'il va
se passer une foule de choses quand on arrivera au port, qu'il y aura la bousculade et que ça
aussi c'est du Sinbad : l'excitation des débarquements.
Je regarde le vieux. “Mzee”, lui dis-je par respect, lorsque nous mélons nos mains, les miennes
dans les siennes. Et je n'ai rien d'autre à lui dire, et je n'aurais rien eu à lui dire, même en
admettant que le flying ne fasse ce boucan d'enfer, que l'embrun n'emporte pas les mots – je
n'aime pas ces engins de mer où on ne sent pas la mer, parce que ça va trop vite. Est-ce ainsi (trop
vite) qu'il faut arriver à Zanzibar ?
C'est un minuscule instant sur la plage arrière d'un de ces engins, qui bondissent sur les vagues,
et se casseront en deux un jour ou l'autre, parce que c'est écrit.
[...] Plus tard, je songeais que l'oiseau qui arpentait les nénuphars sur un lac du Selous, c'était un
jacana. Tout simplement un jacana, à une quinzaine de mètres devant nous. C'était banal, mais
j'avais remis un peu d'ordre dans le foutoir qui avait investi ma tête durant cette semaine passée
en safari. Et maintenant on voyait défiler la pointe sud d'Unguja, le phare et de nouveaux
bâtiments sur le bord de mer. Et je pouvais me donner à Zanzibar.
Zanzibar City
(p. 291 et sq) En ville, les guides agréés portent une carte sur la poitrine. Les autres sont des beach
boys, qui cherchent à s'infiltrer et à se faire payer des commissions par les professionnels –
certains sont terriblement efficaces, et lorsqu'ils accompagnent de nouveaux clients jusqu'à un
hôtel ou un restaurant, ceux-ci ne peuvent les éconduire, sauf à se faire boycotter. Naturellement
les beach boys mentent effrontément, mais souvent ils n'ont que cela pour vivre. Leur technique :
vous agonir d'injures, s'ils estiment que vous ne les avez pas suffisamment rémunérés, pour un
service inexistant... C'est pourquoi, pour la tranquillité de votre séjour, mettez les choses au point
dès qu'ils vous abordent.
Religions. Zanzibar et le littoral, où ont essaimé toutes sortes de sectes musulmanes : un
phénomène que l'on ne peut ignorer – lire p. 302.
Potins. arts : cinéma et musique. Le festival de cinéma a prospéré, depuis les années 2000.
Chaque année, en juillet, il anime Stone Town, avec ses manifestations en marge.
On complètera son information sur les danses taarab (1) en piochant dans les brochures que les
hôtels mettent à la disposition des clients (Dar es Salaam Guide, The Swahili Coast). Le taarab est
l'un des sujets qui reviennent de façon récurente... Avec le papier obligé sur les épices, les portes
de Stone Town ou l'architecture indienne...
(1) Le taarab vient d'un mot arabe intraduisible littéralement. Cette musique et ce chant, qui viendraient d’Egypte,
créent un état d'âme que seuls connaîtront les Swahili, un état mêlant liesse, extase… Il n'est pas du tout
invraisemblable que cela ne vous fasse rien, surtout si vous ne comprenez pas le kiswahili. J'en parlerai plus
longuement dans la prochaine édition. Promis !
*
* *
(p. 304) Parmi les circuits de l'art en Tanzanie, Zanzibar est à part, où sur Kenyatta Drive, dans
un étranglement de la rue, des boutiques mixtes (fripes, cartes postales et "antiquities", dont
certaines de qualité. Mais personne ne commentera pour vous les pièces qui paraissent pourtant
authentiques. Le bon et le moins bon, tout à 300 USD et tout en provenance de Kigoma –
masques fipa, sukuma, nyamwezi... Rappelons que Kigoma-Ujiji était, au XIXeme siècle LE
centre de la traite dans la région des grands lacs. Non, les habitudes ne se perdent pas ! Vue de
Zanzibar, la route des « antiquities » suit l'ancienne route des esclaves, la route aussi que
remontaient les explorateurs européens du XIXeme siècle – la route contrôlée par le marchand
Tippu Tip.
Où que vous vous trouviez dans Stone Town, si vous vous croyez comme moi, perdu, sachez que votre but, celui
que vous cherchez désespérément, est tout à côté.
Nul n'ignore la responsabilité de la France dans le trafic des esclaves vers les Mascareignes et d'autres
destinations, mais nul ne savait que les boutres d'Oman ne transportaient des esclaves que destinés aux "cours
européennes", comme on pouvait le lire sur un site omanais il y a quelque temps !
*
* *
Les bains persans de Hamammi, où je me suis engouffré lorsque la pluie est devenue trop forte.
Je vois ce lieu comme j’ai vu la mosquée Bleue dans l’Immortelle et comme je n’ai pas reconnu la
mosquée Bleue lorsque je suis allé à Istambul. On aura compris qu'une nouvelle fois je me crois
au cinéma.
A Zanzibar, justement, le festival international de cinéma bat son plein. On a ouvert la cour
intérieure du fort arabe, et lorsqu’il n’y a pas de projection la foule s’agglutine autour du kiosque
où battent des rythmes. Il devrait s’agir de jazz congolais, entrecoupé de reggae…: Celui-ci up to
date, à l'époque, en Afrique orientale, à l'est du lac Tanganyika, qui reste mon domaine, là où je
suis heureux. Il y a là des Rastasafari d’emprunt.Cela m’invite à rêver Harar, à rêver Rimbaud...
Les bains datent de Bargash. Je vous souhaite de tomber dessus par hasard, je crois me souvenir
que ça se trouve devant un orphelinat ceint d'un mur blanc. Un type pas bien cuit, maniant un
anglais rudimentaire y fait de la retape. Malgré tout, ces bains sont un voyage dans le voyage.
C’est à peu près tout ce qu’il y a d’authentique dans Stone Town, les stucs et un étron qu’a laissé
un type qui s’est soulagé… D’autres ajouteront la cave où l’on tenait les esclaves, près de la
cathédrale anglicane.
Je traverse la vieille ville de mon hôtel au marché. Je pense que l'on peut faire cela deux ou trois
jours, et qu'il ne faut pas manquer de le faire.
*
* *
Les hommes sont assis sur les baraza, les banquettes de pierre au pied des maisons, qui protègent
des torrents d'eau déferlant dans la ville à la saison des pluies. Ils sont pratiques, ces bancs, pour
étirer les jambes, tout en jouant aux dominos à l’ombre d’un oranger. Les hommes parlent de la
politique qui s'écrit en graffitis sur les murs des placettes de Stone Town, ou bien parlent-ils du
mauvais climat des affaires, de la dernière panne de ferry, de l'arrogance des continentaux et de
celle des touristes blanchâtres, pourquoi pas ? De la décadence du taarab et de l'indiscrétion des
touristes – il se trouve que ces deux désastres sont concomitants, ce qui peut, sous la frondaison
d'une placette dans Stone Town déchaîner des torrents de réflexions aigres douces sur le monde
qui change.
On parle aussi, sans nul doute et avec des ricanements, du dernier scandale, celui qui chasse
l'autre – scandale immobilier, bien sûr, dont vous déduirez que l'un dans l'autre les affaires ne
vont pas si mal, puisque tant qu'il y a des scandales immobiliers, rien n'est perdu pour l'économie.
Les regards convergent vers celui qui a un pied dans la Finance arabo-zanzibarite, le hadj, qui a
fait le pèlerinage à la Mecque et multiplie les déplacements dans le Golfe – il vend du partenariat
et de l'investissement, il vend de tout.
Ici un rapprochement hasardeux, ainsi que j’aime en faire dans mes voyages. Il y a une « culture
des îles » et le noyau, le berceau de la culture swahili, autrement dit Zanzibar, y participe. Cela
vient d’abord de ce que sur une île, réflexion triviale, il y a un port, et que le port induit des
récits, de la vantardise, des gabelous, des prostituées, des roublards, etc. Enfin, tout ce qui fait
l’agrément d'Unguja. En quoi Zanzibar, je veux dire la ville de Zanzibar et non l’archipel qui
porte son nom, n’échappe pas à la règle commune des ports.
Celui des compères qui se lève pour m’aborder est vêtu d’un veston beige, qui signale
l'intellectuel bourgeois. Ses lunettes à grosse monture sont semblables à celles d'Onassis.
L’homme est-il armateur ? Cela se peut, car des gens de Zanzibar s’entendent pour armer des
boutres à moteur qui cabotent entre le Golfe et les Comores. Mais l’homme a les traits plus fins,
le front plus dégarni, la mâchoire moins prognathe (à tout dire, l'air plus franc) qu’un armateur
grec – même s’il en a les lunettes. Il est donc moins armateur que boutiquier – ce que tout
Zanzibarite convenablement né se sent d’instinct.
Il approche de la boutique où nous furetons. Combien d’aventures se sont enclenchées dans une
boutique à Zanzibar ? De vieux objets sans intérêt, des carillons – les carillons sont à Zanzibar ce
que les coucous sont à la Suisse –, des copies de copies de coffres, de toiles et de statues, des jeux
de bao, un bric à brac de masques, de bijoux, de pagnes made in India...
Mais aussi des trésors.
Je n’ai pas conservé dans mon souvenir ce que nous avons pu nous dire, mais j’ai retenu une
réflexion que me fait cet homme – ai-je dit qu’il parle sans accent, ce qui ne m’étonne pas, car
j’ai plusieurs fois été surpris par des intonations swahili si proches de celles du français, et que
dans un demi-sommeil, vous pouvez avoir l'illusion de comprendre la conversation qui se tient
sous votre fenêtre.
– Mon français n’est pas digne d’éloge, dit-il avec les accents de la fatalité et de l’amusement. Je
songe maintenant, non sans regret, à tout ce que cet homme aurait pu confier sur son histoire et,
j’en suis certain, sur l’histoire de sa famille. On n'oubliera pas que la culture swahili (p. 302)
s'est affirmée aux XIIIeme et XIVeme siècles – chez nous la bataille fondatrice de Bouvines eut
lieu en 1214.
Naturellement je proteste que son français est plus qu’honorable, que j’aimerais parler le
kiswahili aussi bien qu’il parle ma propre langue, etc. Et pendant cet assaut d’amabilités pour
une fois sincères, trotte dans ma tête l’expression surannée – « Pas digne d'éloge ». Un bouquet
composé avec préciosité, tellement envoûtant lorsque cela vous arrive un après-midi de juillet sur
une placette de Stone Town. .
Je dois à la vérité de dire que cette courte phrase, prononcée sans ricanement mais comme une
analyse lucide n’a pas cessé de trotter dans ma tête et de m’éclairer sur certains des
comportements qu’il m’arrive d’emprunter en safari, lorsque, selon l’expression que chacun
comprend maintenant, je « me la joue ».
– D’où venez-vous, Monsieur ? Me demande-t-il.
– Du Selous.
– Ah oui, je vois. Avez-vous joui du Selous ?
Je soulève des archives. J'ai envie de le féliciter d'avoir survécu à la révolution, à Okello, à
Karume, à Jumbe et apparemment aux intégristes du CUF. Mais je ne le fais pas. Il a survécu aux
sorciers et aux élections, aux émeutes et à leur répression, et je ne saurai pas qui il est
réellement.
D’un coffre, il sort une liasse de papiers.
– Le poète français Arthur Rimbaud est-il bien mort à Marseille ?
Des explications qu’il me donne ensuite, je comprends que j’ai sous les yeux des titres de la Cie
du chemin de fer de Bububu. Et sur l’un d’eux, n’est-ce pas le nom d’un certain Abdul Rimbod ?
Calligraphié par une plume facécieuse ?
En 1905 Rimbaud avait définitivement quitté l'Abyssinie, il était mort depuis 14 ans. Mais quand on dit que le temps s'est arrêté à
Zanzibar, il faut y croire, il faut croire au temps suspendu. Le faussaire facécieux avait en outre dessiné à l'encre brun bleuté un
fumeur de pipe...
*
* *
Quelques années plus tard, je recherche mon antiquaire et tombe dans Kiponda, au nord
d'Hurumzi et de Changa Bazaar, sur une petite place où sont implantées trois mosquées, dont la
mosquée de l’Aga Khan.
Je demande à Othman, le guide dont je me suis assuré les services, si les trois mosquées sont
dédiées à des rites différents. Voilà ce qui m'amène à évoquer le Kharidjisme, sur lequel j'ai été
instruit par un diplomate en poste à Dar es Salaam dans les années 90. Othman, mon guide, est
furieux que j'évoque le Kharidjisme, et je ne saurai pas pourquoi.
Dans le fond, peut-être ne sait-il pas ce qu'est l'exception kharidjiste, le culte pratiqué par
l’ancienne famille régnante, originaire d’Oman et chassée du pouvoir par la révolution. Ces
questions ont pu être effacée des cours d'histoire, tout simplement.
Avec Othman nous explorons la Stone Town du XIXème siècle. Le palais des Merveilles. Pourquoi
“Merveilles” ? Parce que l'électricité, l'ascenseur, l'eau courante...
Derrière, les ruelles, étroites comme des boyaux dans les quartiers nord de Stone Town. On
n'entre à cheval que dans une partie de la ville et aucune pièce de canon ne tiendra une rue de
Stone Town, si ce n’est Mizingani Rd, du fort au port (p. 305), le front de mer, devant le palais.
Par conséquent, pour contrôler une ville comme celle-là, les indicateurs et les sicaires sont plus
efficaces que des canons – sauf à bombarder le front de mer, comme le firent les Britanniques
lorsqu’ils décidèrent d’imposer à Zanzibar l’abolition de la traite.
Naturellement je n'ai pas retrouvé la placette et le vieux monsieur (pas plus vieux que moi !) dont
le français n'était pas “digne d'éloge”.
Un poête d’ailleurs, une révolution, un journaliste d’exception, une maison de
rendez-vous
Avez-vous fait la connaissance de Ryszard Kapuscinski, l’auteur d’Ebène, Aventures africaines,
collection Pocket ? Une vie de correspondant de presse en Afrique (1). A l’ouest, au centre et à l’est
du continent. A Zanzibar, en particulier, où il est l’un des rares témoins étrangers de l’effervescence
révolutionnaire (décembre 1963-janvier 1964).
Il nous éclaire sur la personnalité d’Okello, un jeune homme originaire d’Ouganda, à-peu-près
analphabète, charismatique, « un original qui se prend pour le Messie », obsédé par l’idée de
renvoyer les Arabes de Zanzibar, autoproclamé « maréchal de campagne », s’entourant de généraux
fabriqués et déclencant l’insurrection.
Et puis il y a Abeid Karume (p. 296), qui fut matelot durant vingt années avant de devenir le leader
de l’Afro-Shirazi Party. Je l’ai longtemps considéré, à tort, comme une espèce d’Amin Dada, avec
ses décrets fantaisistes pris lorsqu’il sera le Président (mariages forcés).
Mais comme cela est loin, la révolution, Okello, le parti des Africains, mis sur la touche par Karume,
qui représente, lui, les Swahili, majoritaires (p. 302). L'union avec le mainland, les Britanniques
soutenant Julius Nyerere.
Il n'y en a qu'un que l'on ait oublié, c'est le sultan (vu sa photo quelque part ; il a vécu en Grande
Bretagne – on le voyait plutôt à Oman) (2).
On oublie aussi quelques morts, pas mal de morts. Kapuscinski y était et il a dit les morts. Il a dit les
ambiguïtés, le jeu des puissances… Mais je ne suis pas certain qu’il fasse bien la distinction entre les
différentes communautés zanzibarites : pour lui, il ne semble y avoir qu’Arabes et Africains, ce qui
ne rend pas compte de la complexité de la société, et de l’histoire de l’archipel. Pourtant le regard est
vif, comme le style. Et puis je raffole de ces ouvrages qui vous décrivent la vitrine de Noorbhai
Aladin and Son ou de Bhagat and Sons, Agents for Favre Leuba-Geneva, boutiques et bureaux
défoncés et pillés.
On voit bien maintenant que Kapucinsky était au-dessus de la plupart des grands reporters.
Toujours malade lorsqu'il rentrait à Varsovie (malaria, rhumatismes, dit un de ses amis sur France
Culture, le 25/10/07 à 16:50), Ryszard Kapucinsky se reposait à Varsovie... où il écrivait
inlassablement.
Encore un compatriote de Potocki. Coïncidence ou tradition polonaise ?
L’existence du Pigalle m’avait été signalée dans les années 70 par un diplomate. Il n’est pas impossible
que lui-même ou bien moi ayons enjolivé les choses. Bref, j’avais donc décidé de sortir l’édifiante
histoire de la quatrième édition de mon guide. Or voilà que Ryszard Kapuscinski authentifie
l’existence d’un de ces hauts lieux de la distraction en ville. La gérante de l’hôte, « vieille femme fine
et alerte », c’est Helena Trembecka, une compatriote. Il ne parle pas de claque, mais on est en pleine
révolution, le pays est à feu et à sang et chacun se fait son cinéma – R. K., en bon journaliste, invente
la fleur sur le tas de fumier. C’est ce que demande le lecteur. C’est aussi ce que demande le touriste,
mais je ne crois pas que la vie des Européens soit aujourd'hui vraiment menacée.
A propos, je crois pouvoir situer l’emplacement du Pigalle près de l’actuel hôtel Ya Bawami, au nord
du port.
*
Maintenant, si je vous disais que Somerset Maughan s'est posé jadis à l'hôtel Emerson Spice,
lorsqu'il s'appelait encore Spice Inn et qu’il y écrivit quelques nouvelles – pourvu que vous soyez
d'une génération attardée, vous me croirez, parce qu'on est ici dans un monde à la Somerset Maughan
et dans un temps qui lui convient aussi, un temps menaçant où l'Occident n'en finit pas de se
reconstruire. Encore faut-il que vous soyez de la génération Somerset Maughan, autant dire
cacochyme.
Mais n'était-ce pas un personnage à la Somerset Maughan que je recherchais ?
Ainsi ai-je vu Somerset Maughan à Stone Town, qui va si bien avec le Spice Inn, le cercle des
gentlemen de l'Africa House et les gitons s’incrustant sur vos pas.
Je parlais d'un temps menaçant pour l'Occident, alors que le centre de gravité du monde bascule. J'ai
envie de dire qu'on ressent (atténuée mais bien là) à Zanzibar les effets de la fracture entre l'Occident
et l'Asie. Asiatique, Zanzibar ? Souvenons-nous que sur la côte est d'Unguja on ramassa des
vêtements échoués ici après le tsunami qui se déclencha en décembre 2006, au large de Sumatra.
Somerset Maugham écrivit au Spice Inn deux ou trois nouvelles (dont Les nuits de Mtoni) dans les
années trente. On sait combien l'auteur de Le Fil du rasoir et du Sortilège Malais était un esprit
indépendant. Il apprend le kiswahili, retiré au Spice Inn, il s'adonne au récit érotique, entre deux
bateaux, tandis qu'au cercle britannique on le bat froid – on a d'ailleurs banni toute trace de S. M. à la
bibliothèque du cercle. Il se lie alors avec le consul de France – d'aucuns disent le drogman (3), qu'il
fréquente assidument, pas seulement pour les cours de kiswahili qu'il lui dispense.
Peut-être vous demandez-vous où se tenait S. M. pour écrire. Eh bien, sur la terrasse, où naguère une
plaque de cuivre à son nom était apposée sur une table.
(1) « L'aube (qui ici n'est jamais pâle , mais rouge, couleur de feu, d'emblée multicolore) – Kapuscinski, p. 108 et cela se
passe à Zanzibar
(2) Le sultan Seyid Jamshid bib Abdulla bin Khalifa bin Harub bin Thwain bin Said (un bien grand nom pour pas grand
chose ? Je ne sais pas), le sultan a fui. Je songe au point de vue dominant Grenade et appelé « Le Soupir du Maure ». Et je
songe à un troisième Polonais, le comte Potocki, aristocrate polono-ukrainien, espion du tsar et par dessus tout auteur de
La Duchesse d’Avila. Chacun voyage avec SON bagage culturel, tel qu’il l’enrichit en découvrant personnages et
cultures… Je caresse cette idée, en voyageant et en relatant. Dans ma tête je vais de la Sierra Morena à une maison close
de Zanzibar (peut-être pas si close que cela, disons une maison d’accueil) et de Favre-Leuba Geneva à Mazeran Viannay
et Bardey – les fichus « pignoufs » de Lyon, dont plus personne ne se souviendrait si l’un de leurs commis d’Aden n'avait
été Rimbaud.
(3) L'interprète du consul, il précédait le consul, chassait les opportuns, les quêteurs et les espions du sultan.Vous
trouverez sur ce site quelques souvenirs du drogman-chancelier d’un consul de France à Zanzibar, mais beaucoup plus
ancien (XIXeme s.)
Architecture traditionnelle
Ornements de Stone Town. Dans la rue, en cas d'inondation on se réfugie sur les bancs de
pierre qui bordent les maisons, les baraza.
L’arrondi des linteaux de portes, de fenêtres ou de portes-fenêtres, plus que les motifs des
portes cloutées, indiquerait l'origine indienne (goanaise ?) des occupants. Les linteaux droits
signent, dit-on, une origine arabe.
Matériaux de construction, on verra que les pierres de corail sont maintenant remplacées par
des moellons.
Ce que vous devez savoir. Naufrage de septembre 2011, entre Unguja et Pemba. Le capitaine et les
officiers ont fichu le camp durant le naufrage. Réfugiés à l'étranger, mandat d'arrêt international,
arrestation... On promet un procès... Naufrage de juillet 2012, entre Dar es Salaam et Zanzibar : la
météo avait émis un avis défavorable et la compagnie aurait dû ajourner la traversée.
Trois navires étaient "temporary banned", après l'accident de juillet. "de-registered, and are not
allowed to operate in Zanzibar territory". Qu'en est-il, deux mois après ?
Je suggère que l'on affiche au port le bulletin météo.
Marché nocturne sur Forodhani pour l’Aid Fitr
ZANZIBAR